Notes des renseignements française
30/03/1955
Bourguiba à Mont-Genèvre
Il ne cache pas son inquiétude à la suite de la position prise par Salah Ben Youssef qui doit assister prochainement à un congrès des membres de la Ligue Arabe. «Il va en revenir intoxiqué et plus exigeant».
Le 26/03/55 Béchir Zarg Ayoun est arrivé à Montgenèvre venant de Genève. Il a mis au courant le leader des conversations qu’il a eues avec Salah Ben Youssef, ce dernier se serait montré intransigeant sur certains points, police, armée, libération immédiate des prisonniers politiques… Par contre il aurait adressé des reproches à Mongi Slim sur d’autres points que les négociateurs auraient pu accepter, ce à quoi aurait répondu Slim : « c’est Bourguiba qui a donnée l’ordre de ne accepter ».
Dès son arrivée Taieb Mehiri a été pris à partie par Béchir qui lui a reproché de n’avoir rien fait pour éviter la discorde qui règne au sein du parti et d’avoir favorisé la formation de clans. « Plus tard je demanderai des comptes à toutes ces personnes qui veulent actuellement se caser en accaparant des titres ronflantes».
La discussion était très vive.
Le leader n’a pas manqué de dénigrer Mongi Slim en faisant ressortir que le Gouvernement Français discutait beaucoup plus avec lui qu’avec les autres ministres. Or, à lui seul, il ne représentait pas grand chose.
…Dans l’après-midi du 28, une violente discussion éclata entre Bourguiba et Taieb El Mehiri. Le leader était très agité, ses paroles étaient inintelligibles. D’après certaines bribes, il ressort que Bourguiba est en lutte ouverte contre Mongi Slim, Salah Ben Youssef et autres. Il accusait Taieb de les favoriser. Il a reproché sévèrement à Taieb de vouloir le « saboter, de suivre les directives des personnes d’au-delà de la barricade… de n’avoir rien fait pour une union au sein du parti ; au contraire, d’avoir semé la pagaille et pendant ce temps les pauvres bougres qui ont lutté pour nous sont en prison ». A quoi a répondu le directeur du bureau politique » j’ai offert ma place à quatre reprises différentes à Allala Belhaouane ; ce dernier à toujours refusé ». Sur ce, le leader s’est enfermé dans sa chambre jusqu’à 19h30, heure à laquelle sont arrivés Mrs Dejllouli Aziz, Ahmed Mestiri et Rassaa.
Le ministre aurait fait savoir au leader que le gouvernement français serait revenu sur certains points déjà acquis, principalement en ce qui concerne la Police.
Bourguiba doit quitter Montgenèvre le 31 au matin pour Grenoble où il est invité par les étudiants tunisiens de cette ville à y passer 48h, ensuite il se rendra à Lyon et Paris le 2/4/55 ?
D’après les renseignements recueillis dans l’entourage du leader, il résulte qu’il ne sait plus s’il demeure utile pour lui actuellement de se rendre à Tunis en vue d’être plus informé et de savoir sur quels membres de son parti il peut encore compter ou s’il doit rester en France avec Béchir Zarg Ayoun, continuer sa propagande aux étudiants, contacter les personnalités françaises favorables à son leit motiv… et se tenir auprès des ministres négociateurs pour leur donner ses directives.
Par ailleurs, Bourguiba serait prêt à faire une déclaration contre l’attitude de Salah Ben Youssef et ses acolytes, sur leurs accointances malhonnêtes avec les membres extrémistes de la ligue arabe, s’il se sentait perdu.
Bourguiba a reçu ce jour un mandat télégraphique de 500.000 frs expédié par Allala Belhaouane.